Comment valoriser les actions de communication au Comex ?
Dans le cadre de son partenariat avec le Social Media Club, Wiztrust réunit les directeurs de la communication afin d'échanger sur les enjeux de leur métier. Le digital rend la mesure des actions de communication plus immédiate. Malgré un reporting utile, celui-ci demeure insuffisant pour justifier des stratégies de communication. La question de la pertinence des indicateurs se pose également. D'autant plus que les équipes de communication ont de nombreux leviers à actionner pour répondre à cet enjeu: projets innovants, recommandations, communication interne...
S’il n’y a pas de recette universelle pour valoriser les actions de communication, l’environnement devient tout de même favorable avec les années.
« Le doute sur besoin de communication est beaucoup moins répandu », estime Paul Michon, directeur de la communication corporate de Kering, une fonction rattachée à la directrice de la communication de l’image de Kering qui est représentée au COMEX. « Il est plus facile aujourd’hui de justifier ses ambitions en matière de communication qu’il y a dix ans », poursuit-il.
Le contexte 2.0
Dans un contexte où le digital permet de tout mesurer et de fournir énormément de données chiffrées, le développement de la technologie et la précision grandissante des outils de mesure semble rassurer les directions.
«L’un des grands enjeux aujourd’hui, c’est la protection de la réputation. La communication en termes d’affaires publiques et de lobbying n’a pas trop changé, en revanche la partie grand public a été révolutionnée par le digital. On a tous en tête le tweet d’Elon Musk qui peut faire exploser ou plonger le cours de l’action en bourse», illustre Maxime Dubois, digital performance strategist chez Total.
«Il y a une sorte de déplacement de la communication vers la marque, avec la reconnaissance d’un actif immatériel», ajoute Cécile Ribour, directrice de la communication de la MAIF. «Notamment dans un contexte de crise, l’impact protecteur que peut avoir la marque est beaucoup plus reconnu qu’il y a dix ans.»
« Aujourd’hui, avec davantage d’outils de mesure, il est plus facile d’avoir un budget et des actions de communication ambitieuses. Il est plus facile de mesurer la contribution de communication à la performance de l’entreprise et cela devient indispensable. » Pénélope Pontet de Fouquières, directrice de la communication (ELSAN)
Le rôle du Dircom
Cette prise de conscience et cette valorisation se matérialisent également dans les organigrammes. La présence du Dircom au sein des comités exécutifs et de direction devient de plus en plus fréquente. Leur représentation au COMEX a ainsi augmenté de plus de 15% en quatre ans, avec aujourd’hui 65% des COMEX français intégrant une représentation des départements communication, selon le baromètre de l’Union des Marques. Dans les entreprises représentées à la table ronde organisée par le Social Media Club, les Dircom sont a minima rattachés à la direction générale. Même s’ils ne sont pas encore systématiquement représentés au COMEX.
«L’appartenance au COMEX était un élément clef de mon intégration», confie d’entrée Marine d’Anterroches, Dircom de Spie batignolles. Arrivée dans le contexte d’un «poste vacant qui n’avait pas place au COMEX. Il y a une véritable prise de conscience de l’enjeu stratégique de la communication pour accompagner et faire valoir le projet d’entreprise. Aujourd’hui, on me laisse le temps pour travailler la qualité du discours et l’image de marque. Il n’y a pas encore d’objectif de performance chiffrée, mais plutôt une approche qualitative», souligne-t-elle.
Des résultats difficiles à chiffrer
Les cultures d’entreprises évoluent avec les mentalités. Mais la difficulté de mettre en avant des résultats chiffrés dans un domaine aussi complexe que la communication reste palpable. Les KPI évoluent d’un secteur à l’autre, et des outils plébiscités par certaines entreprises sont totalement rejetés par d’autres. Le nombre de followers sur Instagram permet-il de mesurer l’efficacité d’une campagne? La récurrence des mentions sur Twitter est-elle nécessairement révélatrice d’une bonne réputation de l’entreprise?
«Pour un dirigeant d’entreprise, recevoir des messages de son entourage à la suite d’une action de communication est un moyen informel d’en mesurer le succès. Parfois plus pertinent que les chiffres et les revues de presse », remarque Paul Michon (Kering).
«La question qui se pose, c’est celle du choix des indicateurs que l’on fait remonter», développe Maxime Dubois (Total). “Il ne faut pas confondre les indicateurs clés de pilotage et les indicateurs illusoires. Il faut aussi définir des familles d’indicateurs segmentés par enjeux prioritaires. Ou en choisir des simples et facilement partageables en interne". «Chaque mois, nous tenons des comités de performance, où chaque direction fait remonter ses chiffres. Nous y intégrons de plus en plus le volet digital, en essayant de le croiser avec d’autres indicateurs (croissance, bénéfices, ventes par exemple) pour avoir une vision 360», poursuit-il.
À la MAIF non plus, les chiffres ne sont pas le cœur des résultats mis en avant. «Nous faisons remonter les grands indicateurs de façon annuelle. Le reporting de nos actions de communication est un sujet de long terme, avec des effets qui ne sont pas mesurables au mois ou au trimestre », explique Cécile Ribour.
«Il faut sélectionner des indicateurs adaptés au sens de notre action. Le résultat mesuré en nombre de clics ou taux d’engagement n’est pas nécessairement l’objectif final de la communication de l’entreprise. Il faut définir le sens d’abord, le critère de mesure vient après.» Paul Michon, directeur de la communication corporate (Kering)
Vers une méthode hybride
Avec cette oscillation permanente entre une approche qualitative et quantitative, la plupart des Dircom semblent opter pour une méthode hybride. Souhaitant prendre du recul sur les nouveaux outils de mesure pour les intégrer à une analyse plus stratégique et qualitative. La stratégie est fondée sur d’autres indicateurs comme l’image de marque, la réputation ou la capacité d’influence.
«Intuitivement, j’essaye d’avoir des projets, des verticales, ensuite je me pose la question de la meilleure stratégie globale à adopter», explique Julien Landfried, directeur exécutif communication et affaires publiques de Gecina. «Plutôt que de s’épuiser à publier quotidiennement dans un seul canal, il faut penser une globalité d’actions en fonction d’un projet. Je trouve que les reporting social media de certaines agences fonctionnent parfois un peu trop en silos en fonction d’un seul réseau. Cela nous enferme dans des canaux avec un calendrier éditorial. Alors que pour mesurer un impact il faut travailler avec un projet éditorial bien anglé», poursuit-il.
Tous les formats n’ont pas le même type d’impact. J’essaye d’avoir une approche duale entre qualitatif et quantitatif, tout en formant mes équipes au quantitatif pour qu’ils puissent surveiller les nouveaux outils.»
Julien Landfried, directeur exécutif communication et affaires publiques (Gecina)
La stratégie est donc à adapter en fonction du projet, des objectifs, de la structure ou encore du contexte. Mais aussi en fonction parfois de la culture d’entreprise et de la personnalité du dirigeant.
« J’ai de la chance car ma PDG est très impliquée sur les sujets de communication», pointe Julien Landfried. «Elle attache beaucoup d’importance aux réseaux sociaux, elle a donc beaucoup de capteurs personnels et elle en demande beaucoup. Quand on a un dirigeant qui incarne l’entreprise sur les réseaux sociaux, il devient un partenaire de la communication», analyse-t-il. Et parfois, même dans un environnement aussi collaboratif, la valorisation des actions ne vient pas de là où on l’attend. «Lorsque nous avons lancé notre podcast, cela a été très puissant car la direction a eu beaucoup de retours qualitatifs de pairs», ajoute-t-il.
Hybridation des métiers
Les actions de communication efficaces semblent être celles reposant sur une bonne relation de travail entre le Dircom et la direction. Lorsqu'ils sont d’accord sur la valeur des indicateurs, un dialogue et une stratégie peuvent se mettre en place.
«Notre direction comprend évidemment que les indicateurs ne sont pas les mêmes pour la marque corporate que pour les marques du groupe », explique Paul Michon (Kering).
Dans ce cadre de travail, le rôle du Dircom pourra s’apparenter à celui d’un chef d’orchestre. Il dégage une stratégie au milieu des multiples données qu’il a en sa possession.
«Il est par exemple encore difficile de mesurer précisément le capital sympathie de la marque sur les réseaux sociaux. Cependant, on peut s’en approcher en mélangeant les indicateurs», propose Maxime Dubois (Total). «C’est aussi l’un des rôles du Dircom. Croiser ces données, et de faire émerger du sens, de la synergie et de la pédagogie !», détaille-t-il.
«Il ne faut pas opposer le JT de TF1 aux réseaux sociaux, c’est complémentaire. Simplement, l’impact et la cible diffèrent. C’est la même chose dans l’organisation. Nous abordons de plus en plus les projets en logique 360. Le social media doit par exemple de plus en plus travailler avec les relations presse, et inversement. Je pense d’ailleurs que ces métiers ont vocation à fusionner.» Maxime Dubois, digital performance strategist (Total)
Protection des données
Avec l’arrivée de la RGPD et des risques juridiques croissants pour la communication digitale, de nombreux métiers ont aujourd’hui tendance à converger autour du Dircom. En témoigne l’apparition du nouveau métier de reputation risk manager dans les pays anglo saxons. Cette nouvelle fonction doit employer des profils ayant à la fois un prisme communicant, juridique et technologique. La communication s’inscrit donc dans tous les corps de métier et tous les départements de l’entreprise. Les outils continuent donc d’être optimisés, pour trouver la bonne formule adaptée à chaque structure et chaque situation précise.