Dans le cadre de son partenariat avec le Social Media Club, Wiztrust réunit les directeurs de la communication afin d'échanger sur les enjeux de leur métier. La crise est l’une des facettes du métier des Nouveaux Dircom. Il est important, lors d'une crise de ne pas négliger la communication interne. Celle-ci doit être basée sur la transparence et l'investissement des collaborateurs. Il en est de même pour les relations presse. Le rapport de confiance en one-to-one avec les journalistes reste primordial dans la gestion de crise. C'est pourquoi il ne faut pas céder à la dictature du temps réel (spécialement sur les réseaux sociaux). Ainsi, garder le contrôle de sa communication.
La crise est l’une des facettes du métier de Dircom. Avec le web social, détecter, anticiper et contenir les épisodes de crise sont désormais des enjeux prégnants de la communication des organisations et des entreprises. Pour cela, il convient d’abord de connaître et savoir définir les situations à risque. Pour Michael Chefles, directeur de la communication SNCF Intercités, le point de départ d’une crise est médiatique, c’est l’attention des médias qui alerte l’entreprise et marque le démarrage de l’événement. Sans couverture médiatique, pas de crise, abonde Nathalie Desaix, directrice de la communication de 20Minutes.
Alors que les organisations sont de plus en plus exposées. Nombreuses sont celles qui ont mis en place des cellules de crise ou war room dédiées à la gestion de ces événements imprévisibles. C’est le cas à la SNCF, entreprise médiatique « sur-sollicitée » par les médias, explique Michael Chefles : « Le moindre petit sujet de train en retard ou de souci en gare devient très vite un sujet de crise », constate-t-il.
L’entreprise a identifié les secteurs et zones à risques, comme les gares de Lyon et Montparnasse et les périodes de départs et retours de vacances. Dans ces moments, « on est en vigilance dès 6h du matin et jusqu’au départ du dernier train », raconte Michael Chefles.
Le schéma de propagation d’une crise démarre souvent par les réseaux sociaux : « de plus en plus de clients tweetent lorsqu’un train reste bloqué, par exemple. Ça remonte très vite parce que les journalistes repèrent rapidement ce genre de messages et ça peut remonter haut, parfois jusqu’au gouvernement ».
Ça a été le cas lors de la récente panne de la gare Montparnasse. Elle a enclenché « une remise à plat du système de gestion de crise », poursuit le directeur de la communication de SNCF Intercités. Chaque région et chaque grande gare possède sa propre cellule de crise, pour pouvoir réagir au plus près du terrain de crise sa propre social room.
Chez Aéroports de Paris, des PC opérationnels sur site font remonter les informations techniques à la cellule de crise corporate.
Pour détecter les crises, les dircoms s’appuient sur des outils de social listening. Chez Sanofi, le monitoring des réseaux sociaux a été formalisé il y a un an avec l’acquisition d’un outil (Radarly).
« On effectue une veille en temps réel de l’ensemble des plateformes web et des réseaux sociaux », précise Christophe Torrent, responsable communication externe chez Sanofi.
Deux écrans font défiler en permanence les publications et les mots clés associés sur le web à l’entreprise. L’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière est doté de l’outil Meltwater. Celui-ci agrège les données des sites, réseaux sociaux et dégage par algorithme des tendances et comportements des audiences à partir de mots clés. 20 Minutes exploite les outils de la rédaction comme CrowdTangle ou Lead Insight pour reconnaître et anticiper les situations de crise sur chaque réseau social.
« Ils permettent aussi de prendre du recul en temps de crise. Nous les communicants, on a tendance à suivre sur les réseaux les gens qui réagissent. Donc ces outils sont utiles pour se rendre compte de l’ampleur d’un événement en-dehors de notre cercle », estime Nathalie Desaix, directrice de la communication de 20Minutes.
Bien que les réseaux sociaux puissent être la source de la crise, « ce sont les médias qui donnent le tempo », souligne Michael Chefles (SNCF).
Tous les participants insistent sur l’importance des relations personnelles avec les journalistes dans la gestion de crise.
« Rien ne remplace la relation humaine avec les journalistes », souligne Nathalie Desaix (20 Minutes).
À la SNCF, la règle d’or est de « toujours rappeler les journalistes » quelle que soit la situation.
« Quand on voit la crise monter, on appelle certains journalistes identifiés pour essayer de désamorcer la situation », confirme Erwan Le Quilliec, responsable de la cellule de crise d’Aéroports de Paris.
Si les réseaux sociaux sont un lieu privilégié d’alerte et de mesure de la crise, ils sont également un canal essentiel de riposte pour les organisations.
« Il faut faire très attention à la dictature du temps réel et de l’urgence », alerte Nathalie Desaix (20Minutes).
Twitter est le réseau d’influence par excellence où émergent le plus souvent les crises, mais c’est aussi un réseau de l’entre-soi. « Le danger, c’est de confondre réaction et précipitation », abonde Christophe Torrent (Sanofi).
« On monitore énormément les réseaux sociaux pour essayer d’y cantonner la crise. Le but, c’est que ça ne tombe pas dans la presse, explique Alexia Lefeuvre, Global Communication Senior Manager chez Novotel, qui rappelle que « pour certains internautes, lancer des crises est un passe-temps ! ».
Une communication en temps réel peut avoir un effet négatif et alimenter la crise plutôt que de l’éteindre. Nathalie Desaix rappelle le cas d’une entreprise dont la communication par live-tweet, au cours de la diffusion d’un Cash Investigation, a été contre-productive.
« D’une certaine façon, quand c’est la crise, il est urgent d’attendre » Alexia Lefeuvre (Novotel)
Le temps de réaction sur les réseaux sociaux varie toutefois selon la nature de l’organisation et de la crise. Ainsi, chez Sanofi, « on ne réagit pas sur les réseaux sociaux. Le médicament n’est pas un produit comme les autres. La communication des laboratoires pharmaceutiques est encadrée légalement », explique Christophe Torrent.
En cas de crise, la communication passe par les canaux classiques tels que les relations presse. À l’inverse, pour certaines entreprises plus exposées médiatiquement ou en cas de crise impliquant des enjeux de sécurité, les réseaux sociaux peuvent être le canal premier de communication.
C’est le cas pour Aéroport de Paris (ADP), « si un événement grave se produit sur l’un de nos sites, nous avons l’autorisation, en accord avec la préfecture, de communiquer pour informer le public, notamment sur la question des accès aux aéroports » explique Erwan Le Quilliec, responsable de la communication de crise chez ADP. « Nous avons un objectif de temps : réagir en 30 minutes ». Dans ce genre de situation, « un tweet fait baisser la pression médiatique », poursuit-il.
Ces éléments de communication sont repris, souvent tels quels, par les médias. Ils peuvent les utiliser comme source de vérification de l’information. À la SNCF, le service de communication s’est doté d’un studio de production de contenus à destination des réseaux sociaux. Idem chez ADP. En cas de chutes de neige, un site dédié agrégeant des informations pratiques, vidéos ou infographies est poussé sur les réseaux sociaux pour répondre rapidement aux interrogations des médias et du public.
« Il ne faut pas oublier que les journalistes aussi, sont soumis à la pression du temps réel », rappelle Nathalie Desaix. Outre la production de contenus en interne, la directrice de communication de 20Minutes suggère de s’appuyer sur les influenceurs pour la communication de crise sur les réseaux sociaux.
ADP peut par exemple compter sur une communauté d’une centaine d’influenceurs « avgeeks », passionnés d’avions. « On ne pousse pas de statements ni d’éléments de langage par leur intermédiaire mais ils sont inclus dans nos opérations presse », précise Erwan Le Quilliec.
Dans la gestion de crise, un autre volet important soulevé dans la discussion par plusieurs Dircom est celui de la communication interne. Fini le temps où l’on séparait com’ corporate et com’ externe.
« Il faut une cohésion et une transparence. On ne peut pas tromper les collaborateurs en interne », souligne Valérie Lauthier, directrice de la communication chez Pierre & Vacances-Center Parcs.
Dans certains cas, les collaborateurs peuvent être eux-mêmes un appui en situation de crise. « Sur des sujets controversés, certains de nos collaborateurs ont déjà pris la parole sur les réseaux sociaux pour défendre leur métier, leur entreprise ».
En cas de crise, « il faut informer les collaborateurs en amont pour en faire des ambassadeurs », estime Axelle de Chaillé, directrice adjointe de la communication à l’ICM.
Pour cette fondation, dont la moitié du budget provient de donateurs privés, la communication vis-à-vis des mécènes est primordiale. « Avant chaque campagne de recrutement de donateurs, nous sommes en vigie sur les réseaux sociaux. Ce qui se dit peut avoir un impact très fort sur nos mécènes, même les plus fidèles. On fait donc un travail de communication en amont pour les informer des positions de l’Institut sur des sujets délicats ».
Pour Léonor Siney d’Adecco, « Il y a un vrai sujet sur l’éducation des collaborateurs, à savoir ce dont ils peuvent parler ou non sur les réseaux sociaux. Comme ils ressentent souvent le besoin de s’exprimer, nous avons mis en place un outil interne. C'est un intranet collaboratif très puissant. »
La culture d’entreprise et la nature des crises influencent la manière dont est gérée la communication de crise auprès des médias traditionnels. ADP et Adecco misent sur une communication centralisée.
« On a un process de crise très établi. Nous n’exposons pas nos porte-parole locaux aux médias, cela remonte directement au groupe », explique Léonor Siney d’Adecco.
Chez Geodis, le parti pris est au contraire de « s’exprimer le moins possible. On fait en sorte que ça reste sur le terrain, à l’échelle locale », explique Anette Rey, directrice de la communication.
Idem pour la SNCF. Si la crise est de faible ampleur, « on essaie de circonscrire les prises de parole médiatiques en local ». Certains types de crise nécessitent cependant une communication singulière, comme les crises sociales ou judiciaires. Dans ce dernier cas, « on fait un travail de média training avec les avocats : ils deviennent les communicants de notre entreprise », pointe Valérie Lauthier, dircom de Pierre&Vacances-Center Parcs.
À la SNCF, le drame de Brétigny-sur-Orge a profondément bouleversé l’entreprise. Elle a laissé une empreinte durable sur la manière dont se fait la communication.
De l’avis des participants, l’enjeu de réputation de l’organisation se noue au moment même où se déroule la crise. Ce sont dans ces instants, très denses, que se construit ou se détruit l’image de marque de l’entreprise.
« Dans ces moments, on peut aussi avoir affaire à de nouveaux interlocuteurs. C’est un l’occasion de se présenter, de dire ce que l’on fait.. La manière dont on communique construit notre réputation », pointe Christophe Torrent de Sanofi.
Néanmoins, des crises peuvent avoir un effet durable sur l’image de marque, notamment à cause du SEO. Ainsi, l’outil « Google Suggest » peut avoir des effets dévastateurs. Par exemple, lorsqu’un dirigeant est associé durablement à une « affaire » – c’est typiquement le cas actuel de Carlos Ghosn.
« Google peut laisser des traces indélébiles. C'est pourquoi, il est indispensable de travailler le référencement à l’issue d’une crise », estime Alexia Lefeuvre (Novotel)
Le poids du moteur de recherche permet de mettre en perspective l’impact des réseaux sociaux sur la gestion de crise. Ainsi, l’immense majorité de ce qu’on trouve sur Google à la suite d’une crise provient des médias, des articles de presse. Les réseaux sociaux, et surtout Twitter, peuvent être la source de crises. Mais ils sont surtout une caisse de résonance.